Cheikh Hamidou Kane - L’aventure ambiguë
L'Aventure ambiguë
Roman de Cheikh Hamidou Kane
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L’Aventure ambiguë soulève également la question de l’éducation reçue par les enfants à la maison. Et là, le débat confronte éducation traditionnelle et éducation religieuse…
Cheikh Hamidou Kane – Effectivement, au moment de ma naissance et durant toute mon enfance, les gens de mon milieu recevaient une éducation à la fois traditionnelle et religieuse administrée par l’ensemble de la communauté, soit la « famille élargie » qui comprend les parents biologiques certes, mais s’étend aussi sur plusieurs générations, dont les grands-parents. Et ceux dont le rôle éducatif est le plus important sont les oncles et les tantes.
D’autre part, à cette éducation traditionnelle qui apprenait à l’enfant à inculturer les valeurs traditionnelles sur les plans moral, éthique et social, s’ajoutait une éducation religieuse qui, habituellement, commençait dès l’âge de 6/7 ans – dans le cas des Musulmans – par un apprentissage intense de la mémorisation du Coran.
Il était attendu de l’enfant que, pendant trois ou quatre ans, il apprenne et récite correctement et mémorise l’ensemble du Coran sans qu’il en comprenne nécessairement le contenu. Parce qu’après cette période de mémorisation du Coran devait s’ouvrir une période d’explication du Livre, à un âge avancé, pour commencer à comprendre.
Au cours de cette période, l’enfant reçoit une éducation traditionnelle et religieuse à l’aide de méthodes et de techniques pédagogiques qui procédaient par étapes et n’excluaient pas, disons, des épreuves physiques pour franchir les seuils initiatiques. Vous savez dans l’éducation traditionnelle, quelquefois il y a des passages comme celui de la circoncision ou de l’excision, pendant lesquels l’enfant, garçon ou fille, subissait l’imposition de marques physiques : scarification, tatouage labial, gingival, ainsi que la percée des lobes de l’oreille pour préparer les bijoux, etc.
Toutes ces étapes étaient marquées par, disons, une action sur l’intégrité physique même de l’individu. Sans compter aussi que l’individu était formé pour apprendre, développer son attention, et pour se voir inculquer le savoir. Ainsi, pour qu’il accède à la connaissance, comme dans beaucoup de sociétés dans le monde – la nôtre en particulier – ceux qui éduquaient ne se privaient pas de recourir à certains sévices : cravache, tison enflammé, cordes de chat [NdA. fouet appelé « chat à neuf queues »]. Il faut se souvenir des descriptions faites par les écrivains anglais sur l’éducation par la chicotte en Angleterre, de même chez les Spartiates. Dans le cadre de l’éducation que je reçus à mon jeune âge, on ne se privait pas d’utiliser les sévices physiques pour obliger l’apprentissage de la concentration.
« L’objectif n’était pas de former, d’éduquer les enfants des colonies pour en faire des citoyens, mais d’en prendre une minorité, pour en faire des auxiliaires. Pas en faire des responsables titulaires dans quelque discipline que ce soit, ni en faire des médecins ; on voulait en faire au mieux des infirmiers. Pas en faire des professeurs agrégés ou licenciés, des docteurs ; mais en faire des moniteurs ou des instituteurs au mieux, ou encore des sages-femmes. Pas en faire des administrateurs de bon niveau mais des commis expéditionnaires comme on les appelait. »
Roman de Cheikh Hamidou Kane
L’Aventure ambiguë soulève également la question de l’éducation reçue par les enfants à la maison. Et là, le débat confronte éducation traditionnelle et éducation religieuse…
Cheikh Hamidou Kane – Effectivement, au moment de ma naissance et durant toute mon enfance, les gens de mon milieu recevaient une éducation à la fois traditionnelle et religieuse administrée par l’ensemble de la communauté, soit la « famille élargie » qui comprend les parents biologiques certes, mais s’étend aussi sur plusieurs générations, dont les grands-parents. Et ceux dont le rôle éducatif est le plus important sont les oncles et les tantes.
D’autre part, à cette éducation traditionnelle qui apprenait à l’enfant à inculturer les valeurs traditionnelles sur les plans moral, éthique et social, s’ajoutait une éducation religieuse qui, habituellement, commençait dès l’âge de 6/7 ans – dans le cas des Musulmans – par un apprentissage intense de la mémorisation du Coran.
Il était attendu de l’enfant que, pendant trois ou quatre ans, il apprenne et récite correctement et mémorise l’ensemble du Coran sans qu’il en comprenne nécessairement le contenu. Parce qu’après cette période de mémorisation du Coran devait s’ouvrir une période d’explication du Livre, à un âge avancé, pour commencer à comprendre.
Au cours de cette période, l’enfant reçoit une éducation traditionnelle et religieuse à l’aide de méthodes et de techniques pédagogiques qui procédaient par étapes et n’excluaient pas, disons, des épreuves physiques pour franchir les seuils initiatiques. Vous savez dans l’éducation traditionnelle, quelquefois il y a des passages comme celui de la circoncision ou de l’excision, pendant lesquels l’enfant, garçon ou fille, subissait l’imposition de marques physiques : scarification, tatouage labial, gingival, ainsi que la percée des lobes de l’oreille pour préparer les bijoux, etc.
Toutes ces étapes étaient marquées par, disons, une action sur l’intégrité physique même de l’individu. Sans compter aussi que l’individu était formé pour apprendre, développer son attention, et pour se voir inculquer le savoir. Ainsi, pour qu’il accède à la connaissance, comme dans beaucoup de sociétés dans le monde – la nôtre en particulier – ceux qui éduquaient ne se privaient pas de recourir à certains sévices : cravache, tison enflammé, cordes de chat [NdA. fouet appelé « chat à neuf queues »]. Il faut se souvenir des descriptions faites par les écrivains anglais sur l’éducation par la chicotte en Angleterre, de même chez les Spartiates. Dans le cadre de l’éducation que je reçus à mon jeune âge, on ne se privait pas d’utiliser les sévices physiques pour obliger l’apprentissage de la concentration.
« L’objectif n’était pas de former, d’éduquer les enfants des colonies pour en faire des citoyens, mais d’en prendre une minorité, pour en faire des auxiliaires. Pas en faire des responsables titulaires dans quelque discipline que ce soit, ni en faire des médecins ; on voulait en faire au mieux des infirmiers. Pas en faire des professeurs agrégés ou licenciés, des docteurs ; mais en faire des moniteurs ou des instituteurs au mieux, ou encore des sages-femmes. Pas en faire des administrateurs de bon niveau mais des commis expéditionnaires comme on les appelait. »
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