la guerre du faux de Umberto Eco
La guerre du faux
Auteur : Umberto Eco
Auteur : Umberto Eco
pdf et epub
Je me demande souvent si, dans un journal, j'essaie de traduire en langage accessible à tous ou d'appliquer aux faits contingents les idées que j'élabore dans mes livres spécialisés ou si c'est le
contraire qui se produit. Mais je crois que beaucoup de théories exposées dans mes livres sur l'esthétique, sur la sémiotique ou les communications de masse se sont développées peu à peu
sur la base des observations faites en suivant l'actualité.
Les textes de ce recueil tournent tous plus ou moins autour de discours qui ne sont pas nécessairement verbaux ni nécessairement émis comme tels ou compris comme tels.
J'ai essayé de mettre en pratique ce que Barthes appelait le
«flair sémiologique », cette capacité que chacun de nous devrait avoir de saisir du sens là où on serait tenté de ne voir que des faits, d'identifier des messages là où on serait incité à ne voir
que des gestes, de subodorer des signes là où il serait plus commode de ne reconnaître que des choses. Mais je ne voudrais pas qu'on voie dans ces articles des exercices de sémiotique. Pour l'amour du ciel! Dans cet étrange pays qu'est
la France, beaucoup degens qui faisaient ou qui font de la
bonne sémiotique ont juré qu'ils étaient en train de faire autre chose, d'autres ont présenté comme sémiotique ce qui (à mon avis) n'en était pas, d'autres encore font de la sémiotique mais
en ont honte, d'autres aussi en font mais on leur en fait honte.
En un mot, je ne veux pas aggraver la situation. Ce que j'entends aujourd'hui par sémiotique est exposé dans d'autres livres, dont deux seront traduits prochainement en français. Il est certain qu'un sémioticien adopte, quand il écrit dans un journal, un regard particulièrement exercé, mais c'est tout. Les chapitres
de ce livre sont seulement des articles de journaux écrits par devoir « politique ».
Je considère de mon devoir politique d'inviter mes lecteurs à adopter face aux discours quotidiens un soupçon permanent
dont certainement les sémioticiens professionnels sauraient très
bien parler, mais qui n'a pas besoin de compétences scientifiques pour être exercé. En somme, en écrivant ces textes, je me suis toujours senti tel un expert en anatomie comparée qui certes étudie et écrit de façon technique sur la structure des organismes vivants, mais qui, dans un journal, ne cherche pas à discuter les présupposés ou les conclusions de son propre travail et se limite à suggérer, par exemple, que chaque matin il serait opportun de faire quelques exercices avec le cou en bougeant la tête d'abord de droite à gauche, vingt fois de suite, puis vingt fois de haut en bas, pour remédier aux attaques de l'arthrose cervicale. L'intention de ce « reportage social », comme on le voit, n'est
pas que chaque lecteur devienne expert en anatomie, mais
qu'il apprenne au moins à acquérir une certaine conscience critique de ses propres mouvements musculaires.....
contraire qui se produit. Mais je crois que beaucoup de théories exposées dans mes livres sur l'esthétique, sur la sémiotique ou les communications de masse se sont développées peu à peu
sur la base des observations faites en suivant l'actualité.
Les textes de ce recueil tournent tous plus ou moins autour de discours qui ne sont pas nécessairement verbaux ni nécessairement émis comme tels ou compris comme tels.
J'ai essayé de mettre en pratique ce que Barthes appelait le
«flair sémiologique », cette capacité que chacun de nous devrait avoir de saisir du sens là où on serait tenté de ne voir que des faits, d'identifier des messages là où on serait incité à ne voir
que des gestes, de subodorer des signes là où il serait plus commode de ne reconnaître que des choses. Mais je ne voudrais pas qu'on voie dans ces articles des exercices de sémiotique. Pour l'amour du ciel! Dans cet étrange pays qu'est
la France, beaucoup degens qui faisaient ou qui font de la
bonne sémiotique ont juré qu'ils étaient en train de faire autre chose, d'autres ont présenté comme sémiotique ce qui (à mon avis) n'en était pas, d'autres encore font de la sémiotique mais
en ont honte, d'autres aussi en font mais on leur en fait honte.
En un mot, je ne veux pas aggraver la situation. Ce que j'entends aujourd'hui par sémiotique est exposé dans d'autres livres, dont deux seront traduits prochainement en français. Il est certain qu'un sémioticien adopte, quand il écrit dans un journal, un regard particulièrement exercé, mais c'est tout. Les chapitres
de ce livre sont seulement des articles de journaux écrits par devoir « politique ».
Je considère de mon devoir politique d'inviter mes lecteurs à adopter face aux discours quotidiens un soupçon permanent
dont certainement les sémioticiens professionnels sauraient très
bien parler, mais qui n'a pas besoin de compétences scientifiques pour être exercé. En somme, en écrivant ces textes, je me suis toujours senti tel un expert en anatomie comparée qui certes étudie et écrit de façon technique sur la structure des organismes vivants, mais qui, dans un journal, ne cherche pas à discuter les présupposés ou les conclusions de son propre travail et se limite à suggérer, par exemple, que chaque matin il serait opportun de faire quelques exercices avec le cou en bougeant la tête d'abord de droite à gauche, vingt fois de suite, puis vingt fois de haut en bas, pour remédier aux attaques de l'arthrose cervicale. L'intention de ce « reportage social », comme on le voit, n'est
pas que chaque lecteur devienne expert en anatomie, mais
qu'il apprenne au moins à acquérir une certaine conscience critique de ses propres mouvements musculaires.....
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