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In memoriam Njoya

IN MEMORIAM NJOYA

     Situé dans la partie Ouest de la république du Cameroun, le royaume « bamoun » (Ba’Mum/Bamum) n’a de cesse d’apporter sa modeste pierre d’édifice au polissage de l’identité négro-africaine égratignée et menacée d’effacement, depuis que l’intrus venu d’en haut y est entré sans toquer.

      Si durant les sept derniers siècles, la communauté bamum, comme bien d’autres, a su se bâtir une image et un nom, c’est aussi grâce aux 19 souverains qui se sont succédés et dont le XVIIe de la dynastie NCHARE YEN captive ici notre attention.

      NJOYA, puisqu’il s’agit de lui, aura été un guide exceptionnel. Et ce ne sont pas que des mots ; tant ses chefs-d’œuvre, émanation de sa créativité littéraire, médicinale, technologique, philosophique, architecturale, scientifique, politique et culturelle, sont devenus des classiques pour les générations d’hier, présentes et à venir, soucieuses de fouler le sol de l’émancipation et d’être le sel de la terre et la lumière du monde.

      Une semaine après le jour marquant la commémoration de la disparition vieille de 86 ans de cet illustre personnage, le prétexte nous est donné de retracer sans être exhaustif et prolixe, la naissance, le parcours et l’héritage légué à la postérité de celui dont la grandeur a été approuvée à l’unanimité.  

LE MONARQUE À L’AURORE DE SA VIE

      Ibrahim NJOYA voit le jour autour des années 1870. À la mort de son père, le roi NSANGOU, il n’est âgé que de 4 ans environ. Successeur de son papa mais trop jeune pour présider à la destinée du peuple de Mum, sa génitrice, la reine Ne NJAPNDOUNKE, assistée par le Premier Ministre GBETNKOM NDOMBU, assurera la régence jusqu’à ce qu’il comptabilise ses 19 saisons de pluie et daigne se saisir du bâton de commandement.

      Mais, le moment venu pour le souverain de s’assoir sur son trône, le Premier Ministre ne manifeste pas la volonté de laisser le pouvoir. La guerre est née. Le règne de NJOYA commence sur les chapeaux de roue, pour ainsi dire. Cependant, avec l’appui des guerriers peulhs musulmans venus du Nord, il remporte ladite guerre. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle il flirtera avec l’Islam, tout en laissant le libre choix à chaque Ba’Mum d’en faire autant ou pas.

      Pour la parenthèse, il convient de rappeler qu’en plus de la religion traditionnelle pratiquée par les Bamum, NJOYA se familiarisa avec le Christianisme, puis l’Islam ; ceci dans la seule optique d’inventer une religion issue de leur synthèse. Depuis, les Bamoun se sont convertis au Christianisme importé par les missionnaires allemands pour les uns, et à l’Islam venu du Nord pour les autres.

PARCOURS ET ŒUVRES DU SOUVERAIN

      Notons déjà que NJOYA développa le sens de la créativité très tôt.
Plus tard, le savant n’hésita pas de s’entourer des génies qui pouvaient l’aider à faire de chacune de ses aspirations, une réalité :

- Le somptueux palais royal bamoun situé à « Foumban » (Fom pa Mben), aujourd’hui classé patrimoine mondial de l’UNESCO, en est un témoignage vivant. L’histoire nous dit que, en 1907, au détour d’une visite effectuée par NJOYA à Buea, il est émerveillé par la splendeur du palais du gouverneur allemand Von Puttkamer. L’architecte NJOYA n’est pas un ingénieur civil mais à l’instant i, il songe déjà à ce joyau architectural dans le royaume bamoum, car épris de beau et d’innovation…

- De sa tête pensante et de ses mains transformatrices, NJOYA inventa un moulin à moudre le maïs afin d’alléger la tâche aux femmes dans la préparation de l’emblématique « pen & njapche » (le couscous accompagné des légumes appelés « njapche ») qui est l’un des plats traditionnels des Bamoun.

- En plus des métiers à tisser qu’il inventa, le traditionaliste créa un calendrier de récolte. Il apporta également son soutien au développement de l’artisanat qui s’est transmis de génération en génération.





- Le savant fit venir au monde le ‘’Nwet Kuete’’, une religion secrète. À ce sujet, il avança l’explication selon laquelle il aimait le vin de palme, donc l’alcool, chose proscrite par l’Islam mais autorisée par le Christianisme ; et il avait plusieurs femmes, ce que condamne le second mais autorise le premier.

- L'écrivain produit à son actif une multitude d’œuvres littéraires, dont ''L'Histoire des lois et coutumes des Bamum''. Et ceci, en langue shü-mum.


- Ah, voilà ! le shü-mum ! L’on ne saurait omettre cette merveille qui fait d’ailleurs partie des réalisations les plus historiques du linguiste NJOYA. Disons mieux. Le shü-mum est l’un des rares systèmes d’écriture développés en Afrique noire. Son alphabet est appelé a-ka-u-ku ; constitué de ses quatre premiers caractères : a, ka, u et ku (voir image).  En effet d’enseigner et de pérenniser le shü-mum dans le pays bamoun, les écoles sont créées par le roi NJOYA, dont une au sein du palais royal, qui est toujours opérationnelle.  

- De son génie dans le domaine médicinal, le monarque inventa des recettes pharmaceutiques qu’il rédigea en shü-mum.

- Dans le domaine judiciaire, NJOYA rédigea les Codes civil et pénal pour le peuple.
...


ET L’ENNEMI FORÇA LA PORTE

      Alors que NJOYA avait entrepris un vaste projet de développement, voire de révolution techno-culturelle, sur lequel il s’était investi résolument et pour lequel il avait mobilisé son énergie et d’énormes ressources, il recevra le premier caillou dans sa chaussure. Il s’agit des colons allemands, arrivés en 1902 à Foumban, la capitale bamoun.


      Néanmoins, ayant évalué le rapport de force en la défaveur de son peuple, le souverain bamum opte pour leur accueil plutôt que la guerre. Il y va de la stabilité du royaume et de la conduite de ses œuvres. Au fil du temps, le royaume Ba’Mum et l’étranger entretiendront tant bien que mal des relations pas des plus antagonistes.

      Car, il fallut que l’envahisseur français arrivât pour réaliser que son prédécesseur n’était pas le gardien des enfers. En effet, pendant la Première Guerre mondiale (1914 - 1918), l’Allemagne perd le contrôle du Kamerun et donc de la région bamoun, au profit de la France.

      NJOYA se montra ouvert aux nouveaux venus français pour la même raison que celle d’avec les Allemands. Sauf qu’il tint fermement à la conservation de ses œuvres, à sa culture et au développement du royaume amorcé. Ce qui était synonyme d’opposition à la volonté de domination des impérialistes français sur le territoire ba’mum.

      L’administration coloniale française réservera alors au guide bamoun le sort qu’elle a toujours réservé à ceux qu’elle considère comme frein à leur implantation forcée.

      Le colon français interdit et saisit l’écriture shü-mum, avant de fermer les 44 écoles créées dans tout le royaume.  Le monarque bamum est quant à lui arrêté et poussé à l’exil, à Yaoundé où il meurt en 1933.

HÉRITAGE POUR LA POSTÉRITÉ

     Que dire ? Simplement que NJOYA, c’est le modèle de la créativité, du courage et de la foi en ses propres atouts.  Il incarne également le leadership.

      Il a certes été freiné dans la marche vers la renaissance africaine, néanmoins, comme d’autres figures emblématiques de la maison, il a contribué à baliser, pour les contemporains appelés à se mettre debout par eux-mêmes, le chemin menant à la prospérité de la civilisation négro-africaine.

      NJOYA est au séjour des  morts mais son combat est poursuivi par  ceux  qui l’ont relayé.
De  par ses œuvres, il  a  obtenu le  billet d’entrer  au  panthéon africain.
Le  Roi est mort. Vive le  Roi !

BORIS PAUL, NSANGOU NJOYA

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